Au Tamil Nadu, on entend souvent la mention de “Chettinad”, comme une sorte de marque de qualité, utilisée par les entreprises pour attirer une clientèle toujours aussi imprégnée par ce mot magique, rappelant le passé lointain des nobles Chettiars, grands voyageurs et entrepreneurs avant-gardistes. Ainsi, on trouve “le ciment Chettinad”, “les bijoux de Chettinad”, ” les restaurants Chettinad”, “le coton Chettinad”, etc. Mais les vrais Chettiars avaient surtout érigé de magnifiques demeures, véritables, de témoignages de leur histoire et de leurs manières de vivre.
Originaires d’une cité portuaire très dynamique sur les rives de la Kaveri, nommée Poompattinam (Puhar), qui fut aussi un temps la capitale des rois Chola, les Chettiar furent obligés de migrer vers Karaikudi pour cause d’inondation au 13ème siècle. C’est dans cette région aride que la riche communauté marchande tamoule s’y établit, et décide de l’appeler « Chettinad » signifiant « pays des chettiar».
C’est au cours du 19ème et 20ème siècles, que cette communauté connait son apogée grâce au développement de la finance et de la banque. On considère qu’ils sont les pionniers du système banquier. au sud de l’Inde. Les Chettiars sont à l’origine d’un maillage de 96 villages dont il ne reste plus que 73 aujourd’hui (d’après l’Unesco). L’héritage architectural qui est encore visible remonte aux années 1850 à 1940.
C’est après avoir traversé des routes entourées de verdure et bien desservies que l’on pénètre dans un des villages Chettiar, Kanadukkatan. Le temps ici, semble s’être arrêté, les anciennes maisons traditionnelles s’érigent encore fièrement, chacune ressemblant à un palais, mais pour encore combien de temps? Nombre d’entre elles sont dans un très mauvais état, fermées par un gros cadenas. On ne sait si un propriétaire existe. Pourtant, chaque pallier est fleuri par un joli kolam. Quelques rares touristes s’y promènent, quand au palais du roi, il est fermé au public depuis plusieurs années. On ne peut que se contenter de sa majestueuse façade.
Le plan en damier du village permet de s’y retrouver facilement, mais on n’y trouve peu de villageois. La plupart des descendants des Chettiar sont partis dans les grandes villes ou à l’étranger où ils continuent de prospérer dans le business. Une famille nous laisse entrer et admirer sa maison.
Construites au début du XXè siècle, ces maisons illustrent les besoins sociaux, rituels et familiaux ainsi que le statut économique de cette communauté. On y trouve de grandes vérandas aux colonnes en bois pour accueillir des invités. Des salles à piliers , des salles de réception, des salles de prières et des chambres. De nombreuses cours au centre des maisons apportent l’éclairage nécessaire et les salles permettent de garder la fraicheur dans les maisons, toutes dirigées vers le nord. C’est durant leurs voyages en Birmanie, au Sri Lanka, en Malaisie, au Vietnam, que ces hommes d’affaires ont amassé de nombreuses richesses qui leur permirent de construire des demeures royales dans un style très original ( colonnes en teck, sol en marbre, vitraux, corniches peintes, loggia, vérandas…)
Célèbre aussi pour la cuisine délicatement épicée, la cuisine « chettinad » dont le poulet au poivre est une des recettes les plus appréciées, est quasi impossible à trouver dans ce village. On ne trouve ni restaurant traditionnel ni grande enseigne pour pouvoir se restaurer. Il faudra séjourner dans les quelques rares Heritage hôtels (anciennes demeures transformées en hôtels) pour pouvoir goûter à la cuisine traditionnelle à l’image des Chettiars d’autrefois.
Ici, de nombreuses activités sont possibles.
On peut se promener à pied ou à vélo ou encore en charrette de boeufs comme nous l’avons fait, dans les larges rues tracés en damier pour voir l’architecture de ces maisons palatiales. On peut visiter les marchés locaux et être en immersion avec la population.
Nous avions été voir aussi un joli temple d’Ayannar non loin de là où se trouve pleins de statuettes en terre de chevaux. les chevaux sont offerts par les villageois au gardien des villages, Ayyanar qui s’occupe de protéger les habitants dans la nuit. Nous avions eu la chance de voir juste à côté du temple, des femmes en train de repiquer le riz qui chantaient gaiement en tamoul des chansons du village. Vous pouvez également aller visiter les artisans carreleurs qui réalisent des carrelages à la main comme autrefois et découvrir les artisans vanniers. Dans la région, on tisse des paniers non plus avec des feuilles de palme mais avec du plastique recyclé. Ces paniers sont solides et très jolis, les couleurs sont vives et les motifs de carreaux rappellent les anciens saris du pays tamoul.
Sans la préservation de l’héritage architectural et de la culture des Chettiar, “Chettinad” et ses belles maisons risquent de disparaître pour toujours. Cette petite escapade dans le passé des Chettiar a un charme inexplicable et en vaut vraiment le détour.
Cette terre des Chettiar a été soumise à l’Unesco pour l’inscrire sur la liste du patrimoine mondial, en avril 2014 seulement.
Cet article vous donne envie de voyager au Chettinad, découvrez cette région avec un guide local !